SLOW LOGISTICS
Les nouveaux indicateurs pour une supply chain responsable
La Cour des comptes a publié le 15 juillet dernier son « Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques », incluant un chapitre spécial sur l'impact du changement climatique et de la transition énergétique. Le rapport souligne l’urgence de lier les exercices de programmation climatique et budgétaire, ceux-ci étant « restés très largement étanches au cours des dernières années ».
Le secrétariat général à la planification écologique estime que « seule la moitié des besoins de financement de la planification écologique serait couverte par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2025-2027 ». Il est ainsi légitime de s'inquiéter quant à l'obtention des aides pour le report modal, la relance du ferroviaire via les aides au réseau ferré, et les véhicules électriques. Il convient donc de trouver des solutions alternatives, complémentaires.
Le contexte logistique basé sur la mondialisation des chaînes d'approvisionnement a conduit à un modèle centré sur l'optimisation des coûts et des délais. Les défis environnementaux actuels révèlent les limites de cette approche. En effet, le modèle du « juste à temps » développé au Japon par TOYOTA dans les années 70, bien que très efficace, se montre vulnérable face aux perturbations imprévues, de plus en plus fréquentes. Ralentir les flux offre une marge de manœuvre et permet de répondre aux urgences.
Dans ce contexte, la Slow Logistics apparaît comme une alternative vertueuse. Les chaînes d'approvisionnement mondiales doivent relever un défi complexe : optimiser simultanément les coûts, les délais et les émissions de CO2. En réalité, optimiser deux de ces aspects entraîne souvent un compromis sur le troisième. Aujourd'hui, les coûts et le CO2 deviennent progressivement des contraintes stratégiques pour les entreprises, afin de rester compétitives et de se conformer aux réglementations environnementales. La rapidité, en revanche, est généralement un outil pour répondre aux besoins opérationnels internes et externes, visant à livrer les produits à temps et au bon endroit.
Adopter le report modal, en passant du transport aérien au maritime ou du routier au ferroviaire et fluvial, signifie privilégier des modes de transport massifiés et moins rapides.
Ralentir les cadences d'envoi et optimiser les tournées permettent d'augmenter les taux de remplissage des moyens de transport. En ce qui concerne l'efficacité énergétique des véhicules, par exemple, réduire la vitesse des poids lourds de 90 km/h à 80 km/h pourrait diminuer les émissions de CO2 de 580 000 tonnes par an en France. Cette réduction des vitesses entraîne également une sobriété de carburant et des économies.
En optant pour la Slow Logistics, il est plus facile pour les entreprises de trouver un compromis gagnant en termes de coûts, de délais, d’émissions de CO2 et de satisfaction client.
Émissions de CO2 [gCO2e] en valeur absolue
C’est l’unité qui importe à l’échelle mondiale : combien de CO2 votre activité ajoute-t-elle dans l'atmosphère. Elle constitue un objectif commun à l’entreprise et permet de comparer les transports avec les autres sources d'émissions (achats, production, etc.).
Intensité carbone [gCO2/t.km]
C’est l’indicateur de performance du département supply. Il mesure les émissions produites pour déplacer une tonne sur un kilomètre. Cet indicateur est idéal pour comparer les performances d’une supply chain dans le temps ou avec d’autres entreprises du secteur. Cependant, l'intensité carbone est un indicateur complexe qui regroupe de nombreuses dynamiques. Pour interpréter ses variations et améliorer la supply chain, il est nécessaire de mettre en place des indicateurs métiers.
Les indicateurs métiers
Ils constituent les objectifs annuels de l’équipe supply, interprétables par tous, notamment par les autres parties prenantes de l’entreprise. Chacun influence l’intensité carbone. Voici trois familles d’indicateurs pertinents :
- Les parts modales :
- % d’aérien sur le fret
- % de ferroviaire ou fluvial sur les transports terrestres
- Les taux de remplissage
- Les pourcentages de transports réalisés avec des carburants alternatifs
Pour aller plus loin et prioriser les leviers en fonction de leur intérêt financier, les entreprises expéditrices peuvent mesurer les émissions évitées et les coûts d’abattement. Les émissions évitées mesurent la quantité de gaz à effet de serre qui n’a pas été libérée dans l’atmosphère grâce à l’activation d’un levier de décarbonation. Elles se mesurent en gCO2e évitées. Cet indicateur tangible permet de communiquer quantitativement. La comptabilisation des émissions évitées crée également une dynamique interne positive orientée vers l’accroissement d’un succès (volume d’émissions évitées), plutôt que la réduction d’une pollution. Le coût d’abattement est un ratio qui mesure l’efficacité financière de chaque levier de décarbonation. Il répond à la question « combien cela coûte-t-il d’éviter 1 tonne de CO2e pour ce levier particulier ». Comparer les coûts d’abattement vous aide à prioriser votre stratégie, en commençant par les leviers les moins chers.
Conclusion : Une stratégie intégrée pour un avenir durable
En intégrant ces indicateurs dans leur stratégie de gestion de la supply chain, les entreprises peuvent non seulement améliorer leur performance environnementale mais aussi favoriser une culture d’innovation et de responsabilité. Ces mesures, en plus d’être bénéfiques pour la planète, se révèlent souvent avantageuses sur le plan financier. En adoptant une approche structurée et bien définie, les entreprises peuvent réaliser des progrès significatifs vers la durabilité et la résilience à long terme.