1 octobre 2024
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Rapport Draghi sur la compétitivité européenne

Quid de la Chimie ?

Dans son rapport sur la compétitivité européenne, dévoilé le 9 septembre, l'ancien président du Conseil italien et de la Banque centrale européenne Mario Draghi fait le constat du décrochage de l’économie européenne dont la Chimie, notamment face aux Etats-Unis et à la Chine. Ses recommandations devraient largement influencer la feuille de route de la nouvelle Commission européenne en matière de politique industrielle mais aussi énergétique ou commerciale, à mettre en relation avec les lettres de mission reçues par les nouveaux commissaires.

Un décrochage européen
Le diagnostic que porte Mario Draghi part du ralentissement de l’économie de l’UE sur les deux dernières décennies par rapport à une croissance plus dynamique aux Etats-Unis et au rattrapage rapide de la Chine. Ce décrochage dû à une productivité moindre en Europe s’explique par une politique industrielle trop fragmentée et non coordonnée, une trop grande dépendance aux approvisionnements extérieurs dans des domaines relevant de la souveraineté économique, des réglementations multiples et trop dispersées, un manque de champions européens et un déficit d’investissements.

Quelle place pour la Chimie ?
La compétitivité de la chimie dans l'UE est en déclin, notamment du fait de son caractère énergo-intensif et faute d’investissements suffisants :

  • En 2022, la production chimique européenne ne couvrait que 60 % de la demande domestique, contre 75 % en 2006.
  • Les hausses de coûts ont entraîné des fermetures temporaires d’usines, et les réouvertures s’avèrent souvent difficiles et coûteuses.

Des enjeux sectoriels sont abordés, tels que les défis économiques liés à une éventuelle interdiction des substances PFAS ou les incertitudes réglementaires liées à une éventuelle révision de REACH qui entravent les investissements à long-terme. Le rapport fait également le constat qu’il est actuellement difficile de justifier un « premium vert » dans le prix de ces matières recyclées.

Energie, décarbonation et matières premières : enjeux forts pour la Chimie
Au chapitre énergie, le rapport rappelle le différentiel de prix de l'électricité et du gaz de l'UE en faveur des États-Unis qui pénalise la compétitivité des industries européennes à forte intensité énergétique. Plusieurs options sont proposées aux entreprises pour poursuivre leurs activités en Europe et moderniser leurs infrastructures tout en poursuivant les objectifs de décarbonation en :

  • Luttant contre la volatilité des prix du gaz naturel,
  • Favorisant le découplage du prix du gaz naturel et des tarifs de l’électricité,
  • Développant une gouvernance pour une véritable Union de l'Énergie.

Il souligne également que les objectifs de décarbonation créent un désavantage compétitif pour les producteurs européens par rapport aux concurrents internationaux qui sont soumis à des impératifs climatiques moins ambitieux et bénéficient par ailleurs de généreuses mesures de soutien. Le rapport recommande de :

  • Utiliser toutes les solutions disponibles via une approche technologiquement neutre (énergies renouvelables, nucléaire, hydrogène, bioénergie et CCUS).
  • Mobiliser tous les leviers utiles pour ce faire : taxonomie, revenue de l’EU ETS, réduction de la fiscalité énergétique, simplification des règles et procédures, blanque de l’hydrogène, etc.
  • Corriger les défauts du MACF et envisager de reporter la suppression des quotas gratuits du Système d'Échange de Quotas d’Émissions.

La transition énergétique offre une opportunité pour l'Europe de prendre la tête dans les technologies propres (« clean tech »). Cependant, il n'est pas garanti que la demande de l'UE pour les technologies propres soit satisfaite par l'offre de l'UE, compte tenu de la domination chinoise sur ces marchés. Aussi, le rapport recommande de :

  • Mettre en œuvre le Net-Zero Industry Act pour accélérer les projets liés aux technologies propres.
  • Soutenir la demande en produits locaux en utilisant le levier des achats publics.
  • Mobiliser et simplifier les financements publics et privés, et étendre le soutien aux OPEX.
  • Faire des technologies soutenant la transition énergétique une priorité pour la recherche européenne.

Approvisionnement en matières premières critiques
Autre sujet sur lequel France Chimie et le CEFIC sont mobilisés : l’UE doit développer des partenariats stratégiques afin de limiter ses dépendances et sécuriser ses chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques. Parmi tous les secteurs industriels, il convient que la Chimie soit bien identifiée comme un secteur à risque dans le cadre des stratégies en cours, qu’elles soient européennes (Critical Raw Material Act, paquet européen sur la sécurité économique) ou nationales (création de la Délégation Interministérielle aux Approvisionnements en Minerais et Métaux Stratégiques).
Par ailleurs, le rapport Draghi préconise la mise en place d’une stratégie globale couvrant l'exploration, l'extraction, la transformation et le recyclage des matières premières critiques en Europe.

Besoin de nouveaux financements en faveur de la compétitivité
La nécessité de renforcer le marché unique européen fait aussi partie de ses priorités : il faut supprimer les obstacles qui entravent les affaires et alléger la charge réglementaire des entreprises.
Le cap fixé par Mario Draghi d’une croissance décarbonée tout en garantissant la compétitivité de l’UE sur la scène internationale nécessite selon son rapporteur un investissement supplémentaire minimum de 750 à 800 milliards d’euros par an et d’augmenter les emprunts communs. C’est cette recommandation qui a concentré les plus grandes réserves (Allemagne, Pays-Bas) et qui sera la plus difficile à défendre par la France, vu la situation de sa dette nationale.

En conclusion, le rapport Draghi dresse le bon constat et présente un plan exhaustif pour que l’économie européenne évite de se diriger vers « une lente agonie ». Il est une étape cruciale vers une politique européenne davantage axée sur l’investissement et la compétitivité industrielle. On pourra cependant regretter qu’il reste muet sur la politique commerciale de l’UE, en particulier sur les instruments de défense commerciale.

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