Frappée par une crise inédite, la Chimie tire la sonnette d’alarme
Au niveau européen comme en France, la Chimie traverse une crise inédite. Des emplois ont déjà été détruits et, sans action résolue des pouvoirs publics, environ 15 000 emplois directs seraient menacés en France.
Des mesures offensives sont à enclencher urgemment afin de restaurer la compétitivité de ce secteur exportateur stratégique pour notre souveraineté industrielle, à commencer par la sécurisation d’un accès à une énergie bas carbone compétitive.
La Chimie en France est un acteur majeur de l’économie avec une balance commerciale encore positive. Stratégique et essentielle pour toutes les autres industries, elle est au cœur des investissements d’avenir (batterie, santé, hydrogène, recyclage, chimie biosourcée). Sa forte valeur ajoutée est synonyme de près de 200 000 emplois hautement qualifiés.
Après une décennie de croissance quasi continue, la Chimie en France comme en Europe traverse aujourd’hui une crise inédite et alarmante. Le taux d’utilisation moyen des capacités reste en dessous de 75 % depuis près de deux ans, une situation insoutenable dans la durée pour une industrie nécessitant chaque année d’énormes investissements industriels.
Des études réalisées à la demande de France Chimie estiment qu’au moins 15 000 emplois directs seraient menacés. Depuis le début de l’année 2024, plusieurs entreprises mondiales ont déjà annoncé la fermeture de certaines activités en France. Des effets dominos sont à craindre dans une industrie fondée sur des filières aux activités fortement imbriquées.
Au-delà d’une demande européenne en berne, le décrochage subi par la filière s’explique par des charges indirectes et des coûts de l’énergie en écart par rapport aux autres régions du monde, comme les Etats-Unis, la Chine ou le Moyen-Orient, particulièrement pénalisant pour nombre de grands produits chimiques très consommateurs d’énergie (hydrogène, ammoniac, éthylène, PVC, carbonates). L’Inde émerge également comme un concurrent redoutable pour la Chimie en aval, et notamment les principes actifs pharmaceutiques.
A cet écart de compétitivité s’ajoutent les politiques d’investissement offensives menées par les grands pays non-européens, conduisant à des surcapacités mondiales. Moins protégée que les Etats-Unis, l’Europe subit de plein fouet ce déséquilibre de marché avec des pratiques commerciales souvent inappropriées. Pas moins de 30 enquêtes anti-dumping ou anti-subvention ont été déposées à Bruxelles par la Chimie. Comment dans de telles conditions l’Europe peut-elle tenir son ambition de souveraineté sanitaire et technologique ?
Agir pour préserver un atout de notre pays
Il y a urgence à redonner de l’oxygène au secteur. France Chimie, qui représente l’industrie de la Chimie en France, a alerté les pouvoirs politiques et publics de la gravité de la situation et leur a transmis des propositions d’actions concrètes autour de cinq axes prioritaires :
- assurer un accès à une énergie décarbonée compétitive,
- restaurer et accélérer les investissement et l’innovation,
- engager un choc de simplification réglementaire,
- rétablir un cadre de concurrence équitable avec le reste du monde,
- accompagner l’évolution des métiers et des compétences.
A court-terme, il s’agira en particulier d’adopter un cadre post-ARENH qui réponde aux besoins de compétitivité de toute la Chimie. Le secteur constate qu’après près d’un an de discussions, un écart substantiel demeure entre les propositions d’EDF et les contraintes de compétitivité des industriels en France quant aux niveaux de prix des futurs contrats long-terme de 10 à 15 ans, condition sine qua non des investissements de décarbonation à engager. En complément, les sites industriels ont besoin d’une offre de moyen-terme (3 à 5 ans) concurrentielle et suffisante et d’un mécanisme de protection contre de futurs épisodes de volatilité spéculative de l’énergie en Europe.
Enfin, la Chimie doit rester en mesure de poursuivre la transition écologique de ses activités engagée avec succès depuis 30 ans : transition énergétique des sites les plus émetteurs, développement du recyclage chimique et de la chimie biosourcée, nouveaux produits ou matériaux de spécialités, substitutions des substances problématiques. Cette ambition nécessite de faire émerger des modèles d’affaires viables, comme le prévoyaient les plans de soutien à la décarbonation et à la transition écologique (France 2030 et loi Industrie Verte).
Pour Frédéric Gauchet, président de France Chimie : « Dans une compétition mondiale toujours plus féroce, une Chimie forte sur notre territoire est un des atouts majeurs de la souveraineté économique et de la transition écologique de notre pays. Mais il faut voir les choses en face : en France comme en Europe, cet atout est aujourd’hui menacé ! Nous risquons de perdre des activités essentielles. L’Europe et la France doivent agir sans plus tarder. »