11 janvier 2023
Santé - sécurité au travail, Protection des travailleurs

Du nouveau sur le dossier Amiante

Bien qu’interdit en France depuis 1997, l’amiante demeure un sujet de préoccupation en regard du nombre de maladies professionnelles reconnues en France (largement en tête des causes de cancers professionnels) et de la persistance d’activités exposant potentiellement les travailleurs de plusieurs secteurs tels que ceux de la construction (rénovation, désamiantage…) et des déchets.

La réglementation ne cesse d’évoluer pour repérer, diagnostiquer et protéger davantage les travailleurs voire réparer les pathologies résultant d’expositions anciennes. L’importance des chantiers de rénovation thermique des bâtiments dans les années à venir pourrait conduire à des exigences renforcées.

Le cadre réglementaire européen est resté en décalage significatif par rapport à la plupart des réglementations nationales portant sur la santé et la sécurité au travail si bien que dans sa Stratégie 2021 – 2027, la Commission européenne a inscrit la mise à jour de la directive amiante parmi ses priorités. De son côté, le Parlement européen a adopté le 20 octobre 2021 une résolution proposant plusieurs actions renforçant les dispositions existantes.

Dans ce contexte, la Direction Générale Emploi, Affaires sociales et Inclusion a d’abord mandaté l’ECHA et le RAC pour réaliser une évaluation scientifique en vue de mettre à jour la valeur limite d’exposition professionnelle européenne (actuellement fixée à 0.1 fibre/cm3 en moyenne sur 8 heures). Le RAC a adopté son avis le 10 juin 2021 concluant qu’il n’était pas possible de déterminer un niveau d’exposition en dessous duquel aucun effet sanitaire ne serait observé (mode d’action sans seuil) et proposant une approche fondée sur le niveau de risque (Risk Based Approach) s’appuyant sur une courbe corrélant le niveau d’exposition avec le niveau de risque (Exposure Risk Relationship).

Sur cette base, le Comité Consultatif pour la Santé et la Sécurité au travail (CCSS) a tenté de trouver un accord entre les Gouvernements, les Travailleurs et les Employeurs, mais n’y est pas parvenu, les Gouvernements et les Employeurs étant d’accord pour abaisser la valeur limite d’un facteur 10 (0,01 f/cm3 – niveau de la valeur française actuelle) alors que les travailleurs demandaient un abaissement d’un facteur 100 (0,001 f/cm3).

A la suite de l’étude d’impact et de l’avis du Comité d'Examen de la Réglementation (Regulatory Scrutiny Board), la Commission européenne a retenu une proposition de valeur limite sur 8 heures de 0,01 f/cm3 dans sa proposition d’amendement de la directive Amiante. Le projet de texte a été transmis au Parlement européen et au Conseil dans le cadre de la procédure législative ordinaire (codécision). Sur la base de ce projet, le Conseil est parvenu à un accord politique en date du 8 décembre 2022 soutenant la proposition de la Commission avec une nouvelle valeur limite à 0,01 f/cm3 et demandé, pour sa caractérisation, le passage à la microscopie électronique en lieu et place de la microscopie optique à contraste de phase sous un délai de 7 ans. Le Parlement européen devrait en toute logique confirmer ses positions antérieures en faveur d’une valeur abaissée d’un facteur 100 (0,001 f/cm3), ce qui conduirait à l’organisation d’un trialogue entre le Conseil, le Parlement et la Commission afin de trouver un accord politique en 2023.

La France n’est pas restée inactive sur ce dossier. Sur la base d’une saisine de la Direction Générale du Travail (DGT), l’ANSES a réalisé une expertise scientifique en vue d’introduire de nouvelles pathologies dans les tableaux de maladies professionnelles en lien avec une exposition à l’amiante. Après plusieurs réunions de la CS4 (Commission Spécialisée dédiée aux maladies professionnelles) du COCT (Comité d’Orientation des Conditions de Travail), les partenaires sociaux sont parvenus à un accord dont les principaux éléments sont les suivants :

  • Création d’un tableau n° 30 Ter (affections cancéreuses provoquées par les poussières d’amiante) avec introduction des cancers de l’ovaire et du larynx (le cancer du pharynx n’est pas retenu à ce stade) ;
  • Introduction d’une preuve histo ou cytopathologique dans la désignation de la pathologie ;
  • Délai de prise en charge de 35 ans sous réserve d’une durée d’exposition de 5 ans ;
  • Maintien d’une liste limitative de travaux probablement identique à celle du Tableau n° 30 bis ;

Cette proposition doit encore être validée par le cabinet du Ministre du travail avant de faire l’objet d’un projet de décret en Conseil d’Etat.

Contact : Patrick Lévy, plevy@francechimie.fr
 

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